Partie 1: Droit de la preuve et collecte de preuves en vue d’un procès

Ce document fournit des informations générales et utilise un langage clair et simple dans la mesure du possible. Il vise à appuyer la présentation de preuves dans les procédures civiles et familiales, ainsi que dans les procédures pénales. Pour des définitions plus précises, vous pouvez consulter les documents suivants Définitions des termes juridiques: Droit civil et droit de la famille ou Définitions des termes juridiques: Droit pénal.

Lors d’un procès, chaque partie est chargée de raconter sa version des faits. Ces deux versions seront probablement différentes l’une de l’autre. Les informations présentées pour convaincre le tribunal ou le jury de la véracité d’une version des faits constituent les preuves. Lors d’un procès, la plupart des preuves sont présentées sous forme de «témoignages», c’est-à-dire que le tribunal demande à des personnes (ou «témoins») d’expliquer ce qu’elles ont vu ou vécu. Parfois, des preuves matérielles, y compris des preuves numériques et d’autres documents, seront présentées au juge ou au jury pour examen. Après avoir entendu tous les témoins et examiné toutes les preuves, la juge ou le jury déterminera l’issue de l’affaire.

Le droit est souvent compliqué en matière de preuve. Il existe des règles concernant le moment où des preuves sont admissibles devant un tribunal. Ce n’est pas parce que vous voulez utiliser quelque chose comme preuve que le tribunal va forcément vous le permettre. Vous devez soumettre vos preuves pour qu’elles soient admissibles. Si possible, vous devriez envisager d’obtenir des conseils juridiques dans cette procédure. Pour une liste d’informations et de ressources juridiques à travers le Canada, voir Soutien et ressources juridiques et de services aux victimes. Vous pouvez également consulter le Manuel de droit civil du Conseil canadien de la magistrature, destiné aux parties non représentées par un·e avocat·e.


Les preuves ne sont nécessaires que pour prouver les faits sur lesquels vous et l’autre partie n’êtes pas d’accord. Si les deux parties sont d’accord, un exposé des faits peut être déposé auprès du tribunal. Cela vous permettra de gagner du temps puisque ces faits seront acceptés sans preuve.

Il existe de nombreuses formes de preuves. Il se peut que vous ne les utilisiez pas toutes lors d’un procès. Toutes les formes de preuves ne sont pas pertinentes ou nécessaires dans tous les cas. Vous trouverez ci-dessous une liste des types de preuves les plus courantes. Prenez note que le tribunal conservera les preuves présentées. Si vous souhaitez en avoir une copie, vous devez vous en charger avant de les remettre au tribunal.

Un témoignage comprend les mots prononcés par les témoins. Il s’agit de la forme de preuve la plus courante. Lorsqu’une personne divulgue des faits ou événements, au meilleur de sa connaissance, cela peut servir de preuve pour appuyer votre cas. Ce type de preuve est appelé preuve testimoniale.

Exemple: Vous essayez de prouver que Luc a grillé un feu rouge. Si vous avez vu Luc griller le feu rouge, vous avez connaissance de ce fait et pouvez dire que vous avez vu Luc griller le feu rouge. Les informations que vous donnez au tribunal sont considérées comme des preuves orales. Si vous n’avez pas vu Luc griller le feu rouge, mais que votre amie Linda l’a vu, vous pouvez appeler Linda comme témoin pour qu’elle raconte au tribunal ce qu’elle a vu.

Une personne qui présente des preuves testimoniales dans une affaire est appelée «témoin». Les témoins racontent généralement ce qui a été fait, vu ou entendu. Dans les affaires civiles ou familiales, vous pouvez être témoin et demander à d’autres personnes de l’être. Dans les affaires pénales, le procureur de la Couronne décidera qui doit être appelé comme témoin et vous demandera probablement de témoigner et de faire une déposition si vous êtes la victime dans une affaire.

Il existe deux principaux types de preuves testimoniales: les preuves orales et par affidavit. Les deux impliquent la connaissance des faits ou d’événements pertinents. La principale différence entre la preuve orale et par affidavit réside dans la manière dont les faits sont présentés. La preuve orale implique que les témoins se rendent au tribunal et y prennent la parole, tandis que la preuve par affidavit est une déclaration écrite qui ne nécessite pas que la personne se présente au tribunal.

Preuves orales

Les preuves orales, également connues sous le nom de preuves viva voce, sont les informations qu’un tribunal entend des témoins qui s’expriment dans la salle d’audience. Les preuves orales sont présentées par le biais d’une procédure appelée «interrogatoire direct», au cours de laquelle les témoins répondent aux questions du tribunal. Dans les affaires civiles, vous ou votre avocat·e interrogerez vos témoins. Si vous êtes votre propre témoin et que vous n’avez pas d’avocat·e qui puisse vous poser des questions, vous pouvez simplement dire ce que vous savez. Dans les affaires pénales, les avocat·e·s de la Couronne et de la défense interrogent leurs propres témoins. Comme vous seriez probablement témoin de la Couronne dans une affaire criminelle, le procureur de la Couronne mènerait votre interrogatoire direct.

Après l’interrogatoire direct vient le «contre-interrogatoire». C’est à ce moment-là que la partie adverse a la possibilité de vous interroger et d’interroger vos témoins (dans une affaire civile) ou que vous serez interrogée par l’avocat·e de la défense (dans une affaire pénale). L’avocat·e qui procède au contre-interrogatoire essaiera probablement de vous discréditer ou de semer le doute sur votre version des faits, ce qui peut être très stressant.

Une preuve orale est généralement présentée en personne. Les témoins peuvent demander l’autorisation de témoigner par vidéo s’il leur est impossible de se rendre au tribunal (par exemple, en cas de voyage à l’étranger).

Preuve par affidavit

La preuve par affidavit est présentée sous forme de déclaration écrite. Les affidavits ne sont généralement utilisés que dans les procédures civiles ou familiales, et non dans les procédures pénales. Après avoir rédigé votre affidavit, vous devez trouver une personne habilitée à faire prêter serment et lui jurer que votre déclaration est véridique. Vous ne pouvez jurer de la véracité de votre déclaration que si vous pouvez confirmer personnellement que tout ce que vous avez dit est vrai. Votre déclaration sous serment (c’est-à-dire l’affidavit) est ensuite soumise au tribunal en tant que preuve. Vous devez également envoyer une copie à toutes les parties au procès ou à la procédure judiciaire.

Documents

Les documents sont des enregistrements d’informations, de faits ou d’événements. Les documents peuvent être présentés comme éléments de preuve pour aider une partie à prouver sa version des faits. Vous devriez localiser et sauvegarder tous les documents qui pourraient être liés à votre affaire afin de les avoir sous la main en cas de besoin.

Documents papier

Les documents papier comprennent toute information imprimée sur papier. Les reçus, les pages d’agenda, les relevés bancaires et les notes du médecin sont des exemples courants de documents papier. Il est possible de soumettre soit le document papier original, soit une copie. Toutefois, l’original est préférable. Rappelez-vous que le tribunal conservera ces documents et que vous devez donc veiller à préserver l’original ou une copie pour vos propres dossiers.

Documents électroniques

Les documents électroniques comprennent toute information enregistrée sous forme numérique. Les SMS, les courriels et les messages sur les médias sociaux sont des exemples courants de documents électroniques. Vous pouvez présenter des preuves numériques en imprimant des captures d’écran, ou en les présentant sous forme numérique sur un CD, un DVD ou une clé USB. Si vous prévoyez utiliser des documents numériques dans le cadre d’une procédure judiciaire, vous devez vérifier auprès du greffe du tribunal où votre affaire est entendue si la technologie nécessaire à l’affichage de ces preuves est disponible. Vous devrez soit demander du matériel au tribunal, soit obtenir l’autorisation d’apporter votre propre appareil, tel qu’un ordinateur portable. Vous n’obtiendrez probablement pas l’autorisation de diffuser un enregistrement sur votre téléphone, à moins que le tribunal ne l’approuve.

Vidéos et photos

Des photos et des vidéos d’informations ou d’événements liés à votre affaire peuvent très bien servir de preuves. Il peut s’agir d’enregistrements vidéo d’écran des informations affichées sur l’un de vos appareils. Pour plus d’informations sur l’utilisation des vidéos comme preuves, voir Préservation des enregistrements vidéo en tant que preuves numériques.

Enregistrements audio

Les enregistrements audio d’informations ou d’événements liés à votre affaire peuvent être utiles comme preuves. Il peut s’agir de messages vocaux ou d’enregistrements audio sur votre téléphone. Pour plus d’informations sur l’utilisation d’enregistrements audio comme preuves, voir Préservation des enregistrements audio comme preuves numériques.

Les preuves obtenues clandestinement peuvent inclure:

  • Vidéos ou enregistrements audio réalisés en secret1
  • Documents volés
  • Messages téléphoniques ou courriels piratés

Si vos preuves ont été obtenues de manière irrégulière, que ce soit par vous ou par les forces de l’ordre (dans les affaires pénales), il y a de fortes chances qu’elles ne soient pas admissibles, car le tribunal ne veut pas renforcer les pratiques illégales. Lorsque des preuves obtenues de manière irrégulière sont acceptées, c’est généralement parce qu’elles sont très fiables malgré la manière dont elles ont été obtenues, et qu’elles sont très importantes pour l’affaire. Même si vous pensez qu’un élément de preuve obtenu de manière irrégulière est essentiel à votre dossier, gardez en tête qu’il est possible que le tribunal la refuse.

La pertinence est la règle la plus élémentaire concernant la preuve.

Les preuves pertinentes sont des informations qui rendent un fait matériel plus probable.2

Un fait important est un fait qui aura une incidence sur l’issue de l’affaire, par exemple, qui contribue à prouver un élément de l’affaire exigé par la loi. Il doit y avoir un lien entre les preuves présentées par une partie et le fait essentiel qu’elle tente de prouver en présentant ces preuves. Les preuves non pertinentes ne seront pas acceptées.

Par exemple, si vous essayez de prouver que Luc a grillé un feu rouge, tout élément de preuve qui rend plus ou moins probable le fait que Luc ait effectivement grillé un feu rouge serait pertinent. Le témoignage d’une personne qui l’a vu griller un feu rouge serait très pertinent, de même que les images de la caméra de surveillance le montrant en train de commettre cette infraction. La preuve que Luc triche sur ses impôts, qu’il est donc une mauvaise personne et que par conséquent, il est plus susceptible d’avoir grillé un feu rouge, ne sera probablement pas prise en compte.

Préparer vos preuves en gardant leur pertinence à l’esprit

Comme indiqué plus haut, seules les preuves pertinentes sont acceptées. Lorsque vous préparez une comparution, vous devez vous assurer que vous n’avez pas négligé des éléments de preuve pertinents qui pourraient vous aider à plaider votre cause. Dans les affaires pénales, il incombe au procureur de la Couronne de remettre toutes les preuves pertinentes à la personne accusée. Vous devez vous assurer que la police et/ou le ministère public disposent de tous les éléments de preuve pertinents que vous possédez au sujet de votre affaire dans le cadre d’une procédure pénale. Dans le cadre d’une procédure civile, il vous incombe de remettre à l’autre partie tous les éléments de preuve pertinents sur lesquels vous espérez vous appuyer.

Il importe d’éviter de se laisser distraire par des éléments de preuve non pertinents. Certaines preuves ou informations qui peuvent vous sembler pertinentes pour l’affaire ne le sont peut-être pas d’un point de vue juridique. Dans les affaires civiles, si vous présentez des preuves non pertinentes, cela peut vous détourner, vous et le juge, des véritables enjeux, rendant l’affaire plus compliquée et plus longue que nécessaire. Dans les affaires pénales, vous n’aurez pas votre mot à dire sur les preuves qui seront présentées, car c’est l’avocat·e de la Couronne qui prendra cette décision. Il est préférable de remettre toutes les preuves pouvant être pertinentes à la police ou à l’avocat·e de la Couronne afin de les laisser décider de ce qui est juridiquement pertinent et de ce qui ne l’est pas.

Voici quelques éléments à prendre en compte pour déterminer les preuves pertinentes dans votre cas.

1. Quels sont les faits substantiels de votre affaire?

Pour déterminer les faits substantiels ou importants, vous devez d’abord comprendre la loi qui s’applique à votre cas. La loi exige que vous prouviez les éléments de base de votre affaire pour obtenir gain de cause. Les éléments que vous devez prouver dépendent de l’objet de votre affaire. Pour des informations générales sur les lois susceptibles de s’appliquer à votre cas de VFGFT, consulter: Protections juridiques contre la VFGFT: Quelles sont les lois qui s’appliquent à votre cas? Recours juridiques en cas de violence sexuelle par les images; Recours juridiques en cas de traque furtive, de harcèlement, d’espionnage et de menaces en ligne Engagements de respecter l’ordre public et ordonnances de protection pour les victimes de VFGFT.

Exemple: Si vous souhaitez obtenir une ordonnance de protection à l’encontre d’un membre de votre famille, la loi exige que vous prouviez que vous êtes un membre de la famille qui risque d’être victime de violence familiale. Ainsi, les éléments de base de votre dossier que vous devez prouver sont (1) que vous êtes un membre de la famille et (2) que vous êtes exposée au risque de violence familiale.

Une fois que vous avez déterminé les éléments de base qui doivent être prouvés, vous pouvez commencer à identifier les faits importants de votre affaire. Les faits substantiels sont des faits qui vous aideront à prouver les éléments de base de votre affaire.

Exemple: Pour obtenir une ordonnance de protection, vous devez prouver que vous êtes exposée à un risque de violence familiale. Les faits substantiels sont des faits qui contribuent à prouver le risque de violence familiale. Il peut s’agir de preuves de menaces proférées à votre encontre. Vous pouvez le démontrer en témoignant que vous avez été menacée ou en présentant une copie d’un SMS dans lequel votre proche vous menace. En revanche, la copie d’un SMS dans lequel le membre de la famille se montre désagréable à votre égard ne sera probablement pas considérée comme pertinente, car elle ne permet pas de prouver que vous êtes exposée à un risque de violence.

2. Après avoir déterminé les faits substantiels de votre affaire, quelles preuves allez-vous utiliser pour les établir?

Pensez aux informations disponibles qui pourraient aider à prouver les faits. Il s’agit des informations en votre possession et celle d’autres personnes. Si d’autres personnes possèdent des connaissances ou des documents pertinents concernant un fait important, vous souhaiterez les appeler à témoigner.

Les éléments de preuve qui, selon vous, contribueront à établir les faits essentiels de votre affaire sont des éléments de preuve pertinents qu’il convient de présenter. Toutefois, sachez que même si vous estimez qu’un élément de preuve est pertinent, le tribunal ne sera pas forcément d’accord avec vous.

3. Vous devez essayer de limiter le nombre de preuves non pertinentes que vous présentez au tribunal.

Les preuves qui ne contribuent pas à établir un fait ne sont pas pertinentes et ne seront pas acceptées. Lorsque vous préparez vos preuves, gardez à l’esprit que vous ne devez pas évoquer tout ce que l’autre partie a fait de mal. Il vous suffit d’apporter des preuves qui établissent les faits de votre affaire. Il peut être tentant de montrer au tribunal toutes les façons dont l’autre partie vous a fait du tort. Toutefois, à moins que ces preuves ne contribuent également à prouver les faits essentiels, il est probable qu’elles ne soient pas pertinentes.

Les preuves par ouï-dire ne sont généralement pas admissibles devant les tribunaux. Un ouï-dire est une déclaration faite par une personne qui ne témoigne pas devant le tribunal. La déclaration est utilisée pour prouver que ce que cette personne a dit est vrai.

Le ouï-dire est un sujet compliqué. Il peut être difficile de déterminer ce qu’est un ouï-dire et il existe de nombreuses exceptions à la règle générale selon lesquelles le ouï-dire est inadmissible. En outre, les ouï-dire sont parfois admis dans des cas particuliers où il s’agit d’éléments de preuve de grande valeur.

Qu’est-ce que le ouï-dire?

Le ouï-dire est généralement défini en deux parties. Un ouï-dire est (1) une déclaration extrajudiciaire (2) qui est proposée pour la véracité de son contenu. Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 4e édition (Markham: LexisNexis Canada Inc., 2014) Si vos preuves sont des ouï-dire, la règle générale est qu’elles ne seront pas acceptées en justice.

Une déclaration extrajudiciaire est une chose que quelqu’un a dite avant le procès et que vous ou d’autres témoins voulez répéter au tribunal. Il peut s’agir de témoigner de ce qui a été dit, de diffuser un enregistrement de la personne faisant une déclaration ou de présenter un document écrit par une autre personne ou contenant une déclaration de sa part. Si vous souhaitez vous appuyer sur les propos d’une tierce partie, il est toujours préférable de la faire témoigner en personne.

Exemple: Linda vous a dit qu’elle avait vu Luc griller un feu rouge. Si vous deviez témoigner que Linda vous a dit avoir vu Luc griller un feu rouge, il s’agirait d’un ouï-dire qui ne serait probablement pas admissible. Vous devriez plutôt appeler Linda comme témoin afin qu’elle puisse dire qu’elle a vu Luc griller un feu rouge.

Si la personne qui a fait la déclaration extrajudiciaire refuse de témoigner, elle peut être citée à comparaître par le ministère public dans une affaire pénale. En matière civile, si une personne ne souhaite pas témoigner, vous pouvez l’assigner à comparaître en tant que témoin.

Pour être considérée comme un ouï-dire, une déclaration doit être proposée pour la véracité de son contenu. Cela signifie qu’en présentant cette preuve, vous voulez convaincre la juge ou le jury de la véracité des propos de la personne.

Exemple: Si vous dites au tribunal que Linda vous a dit qu’elle avait vu Luc griller un feu rouge parce que vous voulez prouver qu’il a grillé un feu rouge et heurté votre voiture, vous vous fiez à cette déclaration pour la véracité de son contenu, ce qui en fait un ouï-dire. Si vous dites au tribunal que Linda vous a dit qu’elle a vu Luc griller un feu rouge parce que vous voulez prouver que Linda est une menteuse (par exemple, si vous savez que Linda dormait au moment où Luc a grillé le feu rouge), cette preuve n’est pas un ouï-dire. Vous ne vous appuieriez pas sur ce fait pour démontrer que Luc a grillé un feu rouge (la vérité de son contenu), mais plutôt pour un autre motif (pour montrer que Linda est une menteuse).

Exceptions à la règle du ouï-dire

Il peut sembler que la règle du ouï-dire exclut un grand nombre de preuves pertinentes. Cependant, il existe de nombreuses exceptions à la règle générale limitant le ouï-dire. Une exception importante est que le ouï-dire est autorisé si vous déposez une demande provisoire. Vous n’aurez probablement pas à vous soucier du ouï-dire si vous présentez une demande de mesures provisoires, car le ouï-dire sera admis si vous pouvez identifier la personne qui a fait la déclaration.

Il existe également ce que l’on appelle la «méthode de principe» du ouï-dire, qui peut permettre au tribunal d’examiner des preuves par ouï-dire au cas par cas si elles sont très utiles et ne désavantagent pas injustement l’autre partie. Pour être admise en vertu de l’approche fondée sur les principes, la preuve doit être nécessaire et fiable, la personne qui a fait la déclaration doit être indisponible (par exemple, décédée ou impossible à localiser), et la déclaration doit avoir été faite dans un cadre digne de confiance (par exemple, un entretien enregistré avec la police) ou dans des circonstances indiquant que la déclaration est susceptible d’être authentique. Si un élément de preuve est important pour votre affaire, mais qu’il contient des ouï-dire, vous devriez quand même essayer de le faire admettre, mais en vous préparant à l’éventualité qu’il ne soit pas recevable.

Les autres exceptions sont les suivantes:

  • Déclarations d’une partie. Si les déclarations que vous souhaitez invoquer ont été faites par la partie adverse (ou par l’accusé dans une affaire pénale), elles ne seront généralement pas considérées comme des ouï-dire. Ainsi, si la partie adverse (ou l’accusé) est votre ex-partenaire, les courriels, les SMS, etc. qu’il vous a envoyés ou ce qu’il vous a dit ne seront pas considérés comme des ouï-dire.
  • Dossiers commerciaux. De nombreux documents relèvent de l’exception des documents commerciaux. Il s’agit de documents tels que les relevés téléphoniques, les dossiers hospitaliers, les reçus, etc. Même s’ils ont été créés par une entité qui ne témoigne pas devant le tribunal, l’on peut s’y fier s’ils ont été créés dans le cours normal des affaires. Tous les documents créés dans le cadre d’une activité professionnelle ne relèvent pas de cette exception. Il peut être nécessaire que le juge détermine si un document particulier répond à cette exception ou s’il est considéré comme ouï-dire.
  • Déclarations contre l’intérêt. Si une personne fait une déclaration susceptible de lui porter préjudice, comme reconnaître qu’elle a commis un crime, il est parfois possible de faire admettre ces déclarations en tant qu’exceptions à la règle contre le ouï-dire. Ces déclarations ne seront autorisées que si la personne n’est pas disponible pour témoigner (introuvable, décédée, autre raison valable). Si vous souhaitez vous appuyer sur une déclaration de la partie adverse ou de l’accusé qui va à l’encontre de leurs intérêts, vous pouvez le faire dans le cadre de l’exception relative aux «déclarations d’une partie» (voir ci-dessus).
  • Énoncés spontanés. Dans certaines circonstances, si une personne fait une déclaration qui est clairement spontanée et qui porte sur un sujet pertinent pour l’affaire, vous pouvez peut-être vous fier à ces déclarations. Il peut s’agir d’une personne témoin d’une fusillade et qui crie immédiatement «Mike vient de tirer sur quelqu’un!» Les déclarations spontanées sont soumises à des exigences particulières et sont évaluées au cas par cas. Comme pour l’exception relative aux «déclarations contre l’intérêt», la personne qui a fait la déclaration doit être dans l’impossibilité de témoigner (introuvable, décédée, ne peut pas témoigner pour un autre motif valable).

Ouï-dire dans les affaires de droit de la famille

Dans les affaires de droit de la famille, il est possible que le tribunal accepte le ouï-dire comme preuve, même s’il ne relève pas d’une exception. Toutefois, une fois admise la preuve par ouï-dire, la juge peut décider d’y accorder peu ou pas de poids, car les ouï-dire sont généralement des preuves peu fiables. Cela signifie que le ouï-dire ne sera probablement pas une preuve très convaincante, même s’il est admis.

Un témoignage est censé porter sur les faits de l’affaire. Lorsque les témoins commencent à parler de leurs propres opinions, il s’agit d’un témoignage d’opinion, qui n’est généralement pas admissible.

Exemple: Un témoin déclare: «Je pense vraiment que Luc est coupable et qu’il devrait aller en prison». Il s’agit d’une preuve d’opinion inadmissible.

Cela ne signifie pas que les témoins ne sont jamais autorisés à inclure une opinion dans leur témoignage. Les gens expriment régulièrement des opinions sans même s’en rendre compte. Les témoins sont autorisés à parler de leurs «opinions non spécialistes». Par opinion non spécialiste, on entend généralement une opinion qu’une personne ordinaire intégrerait naturellement dans son récit.

Exemple: Il serait probablement acceptable qu’un témoin dise: «Luc s’exprimait avec difficulté, trébuchait beaucoup et buvait une grande bouteille de vodka. Il semblait ivre.» Bien que le témoin ne sache pas avec certitude que Luc était en état d’ébriété, l’opinion à laquelle il est parvenu, à savoir qu’il semblait ivre, est une preuve acceptable, car il s’agit du genre de jugement auquel les gens parviennent régulièrement dans leur vie de tous les jours. Une personne raisonnable observant Luc parviendrait probablement à la même conclusion sur la base de son comportement.

Les témoins ne doivent pas craindre d’inclure accidentellement leurs opinions dans leur témoignage. La frontière entre l’opinion et les faits est souvent floue. Cette section vise à vous rappeler que les preuves concernent des faits et non des opinions. Ne vous mettez pas à dire pourquoi vous devriez gagner votre procès lorsque vous témoignez. Vous, votre avocat·e ou le procureur de la Couronne aurez l’occasion de le faire au cours des plaidoiries finales, une fois que toutes les preuves auront été présentées.

Certaines formes de communications sont «privilégiées», ce qui signifie qu’elles ne doivent pas être divulguées au cours du litige et qu’elles ne sont généralement pas admissibles dans le cadre du procès. Le privilège ne s’applique qu’aux communications (conversations, courriels, lettres, etc.), et non aux faits. 


Exemple: Imaginez que vous ne vous souvenez plus si vous avez grillé un feu rouge vendredi soir. Votre avocat·e vous dit alors avoir trouvé des images de surveillance montrant que vous avez effectivement grillé un feu rouge. Cette conversation avec votre avocat·e est une communication. Cependant, grâce à cette conversation, vous savez maintenant que vous avez grillé un feu rouge. C’est un fait, vous avez grillé un feu rouge. En fonction d’autres facteurs, vos communications (c’est-à-dire la conversation) avec votre avocat·e peuvent être privilégiées. Supposons par exemple, que la conversation soit privilégiée. Cela signifie que vous avez le droit de la garder secrète. Si l’on vous demande de répéter ce que votre avocat·e vous a dit, vous n’avez pas à répéter la conversation au tribunal. Toutefois, si quelqu’un vous demande si vous avez grillé un feu rouge vendredi soir, vous devrez répondre honnêtement et dire oui. Vous n’avez pas le droit de garder le silence lorsque quelqu’un vous demande de lui parler d’un fait dont vous avez connaissance. Votre conversation avec votre avocat·e est confidentielle, mais le fait que vous ayez grillé un feu rouge ne l’est pas. 

Privilège avocat·e/cliente 

Si vous avez un·e avocat·e, la plupart des communications entre vous sont considérées comme privilégiées et la partie adverse (y compris l’accusé dans les affaires pénales) n’a pas le droit de voir ces communications ou d’entendre un témoignage sur ce qui s’y est dit. Ni vous ni votre avocat·e ne pouvez être contraints de communiquer ces informations. 

Le secret professionnel s’applique également aux communications avec un·e avocat·e qui n’a pas été formellement engagé·e (embauché·e). Par exemple, même si vous n’avez eu qu’une seule réunion/consultation avec un·e avocat·e et que vous ne l’avez pas retenu·e pour votre affaire, le secret professionnel s’applique tout de même à cette consultation.  

Le secret professionnel peut être levé par une cliente qui peut décider de divulguer le contenu de ses communications avec son avocat·e. Cela ne devrait être fait que dans les circonstances les plus rares, et seulement en pleine conscience des risques liés à la renonciation à ce privilège.  

Il existe d’autres exceptions au secret professionnel. Dans certains cas, s’il existe un risque pour la sécurité publique ou si une personne est condamnée à tort pour un délit, les parties peuvent partager ces informations devant le tribunal. 

Veuillez noter que si vous êtes victime dans une affaire pénale, le procureur de la Couronne n’est pas votre avocat·e et que, par conséquent, le secret professionnel ne s’applique pas à vos communications avec le procureur de la Couronne. Pour plus d’informations sur les différences entre les systèmes civil et pénal, voir Protections juridiques contre la VFGFT: Quelles lois s’appliquent à votre cas? 

Privilège en cas de litige 

Les documents ou communications créés par un·e avocat·e lors de la préparation d’une affaire (ou en prévision d’un litige), qui étaient censés être confidentiels et pour lesquels le privilège n’a pas été levé, sont irrecevables.  

Une fois l’affaire terminée, ces documents et communications ne sont plus protégés par ce privilège. 

Privilège des communications matrimoniales 

Les communications ayant lieu entre conjoints mariés au cours de leur relation sont privilégiées, ce qui signifie que l’un des conjoints ne peut être contraint de divulguer le contenu de ces communications s’il ne le souhaite pas. Toutefois, cette forme de privilège peut être levée (c’est-à-dire qu’elle ne s’applique plus) par l’un ou l’autre des conjoints. Par exemple, si vous souhaitez vous appuyer sur des SMS que vous a envoyés votre ex-mari lorsque vous étiez mariés, vous pouvez le faire, car vous renoncez au privilège lié à ces messages. 

Privilège de règlement 

Lorsque vous et une partie adverse avez un différend juridique, vous pouvez essayer de régler votre désaccord à l’amiable. Le privilège de règlement est le droit de ne pas divulguer les communications relatives à un règlement potentiel. Cela signifie qu’en cas de procès, vous ne pouvez pas utiliser comme preuve les communications de la partie adverse relatives à l’accord, et cette dernière ne peut pas les utiliser contre vous. Les communications de règlement ne se limitent pas aux communications orales. Les communications écrites, telles que les courriels et les SMS, sont également couvertes par le privilège de règlement.   

Les deux parties peuvent convenir de renoncer à ce privilège, mais une seule partie n’a pas ce pouvoir. La médiation, les propositions de règlement et les réponses à ces propositions (qui portent souvent la mention «sans préjudice») sont des exemples de discussions en vue d’un règlement. Elles comprennent également les conférences judiciaires, les conférences familiales et les conférences de règlement à l’amiable. Les ordonnances prises lors de ces conférences font exception à cette règle. 

Il existe quelques exceptions au privilège de règlement, notamment: 

  • Lorsque la communication constitue une menace ou implique quelque chose d’illégal
  • Lorsque vous et la partie adverse n’êtes pas d’accord sur la question de savoir si un accord a été conclu ou non

Dans ces circonstances, les communications relatives au règlement peuvent être utilisées comme preuves devant les tribunaux.  

Dossiers thérapeutiques, dossiers psychiatriques et autres dossiers médicaux 

Il convient de noter que de nombreuses communications ne sont pas automatiquement privilégiées, notamment les communications entre vous et votre thérapeute, entre vous et votre médecin, entre vous et votre service d’aide aux victimes, etc.  

Un tribunal peut considérer ces communications comme privilégiées dans certains cas. Si vous discutez avec une prestataire de soins de questions liées à une affaire pénale ou à un litige, vous pouvez lui demander de s’abstenir de prendre des notes et lui faire savoir qu’elle pourrait être appelée à témoigner au sujet de ses discussions avec vous. 

Pour qu’un tribunal considère que les communications entre vous et une tierce partie (autre qu’un·e avocat·e ou un conjoint, comme indiqué ci-dessus) sont privilégiées, elles doivent satisfaire au «test de Wigmore», qui exige que: 

  • La communication a été transmise de manière confidentielle, avec l’assurance qu’elle ne serait pas partagée 
  • Cette confiance est essentielle entre les deux parties et au maintien de leur relation 
  • La relation doit être soutenue par la collectivité (par exemple, entre un chef religieux et l’un de ses fidèles, un médecin et sa patiente, etc.)
  • Le préjudice que subirait la relation si l’information était partagée l’emporte sur le bénéfice qu’en tirerait l’affaire. 

Une fois que tous les éléments de preuve des deux parties ont été admis, le juge ou le jury (appelé «juge des faits») détermine le poids à accorder à chaque élément. Le juge des faits déterminera leur fiabilité et leur crédibilité. Les éléments de preuve qui ont le plus de poids auront un impact plus important sur l’issue de votre affaire.

Crédibilité

La crédibilité est une question fondamentale pour toute preuve testimoniale présentée au tribunal. La crédibilité consiste à savoir si la personne qui témoigne est crédible. La crédibilité est au cœur de l’analyse du tribunal. Un témoignage venant d’une personne crédible aura beaucoup plus de poids. Les facteurs qui influencent la crédibilité des témoins sont les suivants:

  • La capacité à se souvenir des événements avec précision. Par exemple, le témoin était-il en état d’ébriété lors de l’événement en question? Depuis l’événement, est-ce que quelque chose s’est produit qui aurait eu un impact sur le souvenir de l’événement?
  • Les préjugés qu’un témoin peut avoir à l’égard d’une partie. Par exemple, si votre mère est témoin dans votre affaire, son témoignage peut être perçu comme partial en raison des liens qui vous unissent.
  • Si le témoignage contredit d’autres éléments de preuve. Par exemple, si un témoin déclare qu’il n’est jamais allé à Hawaï, mais que l’autre partie montre des photos du témoin en vacances à Hawaï sur Facebook, sa crédibilité en pâtira.

La juge écoutera attentivement ce que chaque partie dit ou soumet dans des documents écrits. Vous pouvez établir votre crédibilité en disant la vérité, notamment en admettant que vous ne savez pas ou ne vous souvenez pas de certains faits, et en fournissant des informations et des réponses les plus précises possibles. Vous pouvez demander que la question soit répétée ou reformulée avant de répondre pour vous assurer que vous l’avez bien comprise. Ne donnez que des réponses à la question posée. Si vous ne connaissez pas la réponse à une question, dites-le au tribunal. Votre crédibilité sera renforcée si votre témoignage est clair et direct, si vous évitez les contradictions et les arguments et si vous agissez avec courtoisie à l’égard de toutes les parties. Bien que cela puisse s’avérer difficile dans des situations hautement émotionnelles telles que les procédures devant la cour des affaires familiales, votre calme et votre précision impressionneront le tribunal et augmenteront vos chances d’obtenir l’issue que vous souhaitez.

Partie 2. Présentation des preuves au tribunal

La preuve testimoniale peut être soit orale ou par affidavit. Le type de preuve utilisé dépend du tribunal et du type de procédure. Les affidavits ne sont généralement utilisés que dans certaines affaires civiles. La plupart des preuves testimoniales seront fournies par le biais d’un témoignage oral.

Produire des preuves par le biais d’un affidavit

Un affidavit est un exposé écrit des faits relatifs aux questions soulevées dans votre affaire. Dans certaines affaires et demandes civiles, la preuve orale (c’est-à-dire le témoignage) n’est pas requise. Au lieu de cela, vous devez rédiger des affidavits avec chaque témoin. Les affidavits seront utilisés comme preuves devant le tribunal. Si vous êtes témoin dans votre affaire, vous devrez également préparer un affidavit. Toutes les règles de preuve abordées dans la première section de ce document s’appliquent lorsqu’un témoin rédige un affidavit.

Vous devez remplir certains formulaires et respecter plusieurs exigences réglementaires lorsque vous préparez un affidavit. Celles-ci varient en fonction du type de demande ou d’affaire, du tribunal concerné (cour provinciale, cour supérieure) et de votre province ou territoire. Par exemple, chaque témoin doit trouver une personne habilitée à prêter serment et à jurer que son affidavit est véridique. Le Manuel de droit civil du Conseil canadien de la magistrature à l’intention des personnes non représentées par un·e avocat·e contient des informations générales sur la préparation des affidavits.

Présenter des preuves orales devant un tribunal

La preuve orale est présentée par les témoins. Les personnes qui témoignent racontent au tribunal les choses qu’elles ont faites ou dont elles ont été témoins. Cela se passe sous forme d’interrogatoire direct, puis un·e avocat·e de la partie adverse ou la partie adverse elle-même pose des questions au cours du contre-interrogatoire. Dans un procès civil, vous pouvez appeler vos propres témoins et agir vous-même en tant que témoin dans votre propre affaire. Dans les affaires pénales, si vous êtes victime d’une infraction, le procureur de la Couronne vous demandera probablement de faire un témoignage oral.

Le fait de témoigner implique que vous preniez la parole devant le tribunal. Dans les affaires pénales, l’avocat·e de la Couronne vous posera des questions lors de l’interrogatoire direct. Dans les affaires civiles, c’est votre avocat·e qui vous posera des questions lors de l’interrogatoire direct et vous témoignerez en répondant à ces questions. Si vous n’avez pas d’avocat·e, vous pouvez simplement raconter les choses que vous avez faites ou dont vous avez été témoin en rapport avec votre affaire. Assurez-vous de connaitre les différentes règles qui peuvent s’appliquer à vos preuves. Celles-ci se trouvent dans la section précédente de ce document et dans Objections aux preuves.

Lorsque vous vous exprimez en cour, veillez à ce que votre récit puisse être facilement compris et ne vous laissez pas distraire par des éléments de preuve non pertinents. Vous devez également communiquer avec autant de précision que possible. Indiquez toujours clairement la date et l’heure auxquelles chaque événement s’est produit afin de présenter une chronologie claire. Lorsque vous présentez vos preuves, il est généralement plus logique de décrire les événements en ordre chronologique en commençant par les plus anciens et en terminant par les plus récents. Vous ne serez pas autorisée à lire un texte au tribunal. Il est conseillé de rédiger un résumé de votre témoignage afin de ne pas oublier de points importants.

Lorsque vous parlez d’événements sur lesquels vous et l’autre partie êtes en désaccord, vous n’avez pas besoin d’expliquer pourquoi la version de l’autre partie est erronée. Si vous et l’autre partie n’êtes pas d’accord sur la façon dont un événement s’est produit, il vous suffit de donner une description détaillée de votre version.

Exemple: Vous et Alex n’êtes pas d’accord sur les détails d’une conversation. Vous vous souvenez avoir demandé à Alex d’arrêter de vous suivre, alors qu’il prétend que vous lui avez dit que vous vouliez qu’il vous raccompagne. Lors de votre témoignage, vous devez vous concentrer sur les détails de la conversation au meilleur de votre connaissance. N’affirmez pas que votre version de la conversation est la bonne. Dans une affaire pénale, il incombe au ministère public de présenter cet argument, tandis que dans une affaire civile, vous ou votre avocat·e aurez l’occasion de présenter une plaidoirie finale durant laquelle vous pourrez aborder cette question.

Interroger d’autres témoins

Dans les affaires pénales, vous (en tant que victime) pouvez être la seule témoin de la Couronne, ou d’autres personnes peuvent témoigner comme vous l’avez fait. En matière civile, après votre déposition, vous ou votre avocat·e pouvez appeler d’autres témoins à déposer. C’est votre avocat·e qui posera des questions à vos témoins. Le témoignage consiste à répondre aux questions. Si vous n’avez pas d’avocat·e, vous devrez poser les questions vous-même. Le premier interrogatoire est appelé «interrogatoire direct» ou «interrogatoire principal».

Si c’est vous qui menez l’interrogatoire direct, vous commencerez par poser des questions simples et directes. Il s’agit de questions portant sur des faits. Cela mettra la personne à l’aise. Voici quelques exemples de questions à poser pour commencer:

  • Habitez-vous à l’adresse X avec la plaignante?
  • Travailliez-vous chez X avec le défendeur?
  • Depuis combien d’années connaissez-vous la plaignante?

Une fois le contexte établi, vous pouvez poser des questions sur les événements importants pour établir des faits essentiels dans votre affaire. Ces questions seront en rapport avec les points contestés. Les réponses de votre témoin serviront de preuves pour votre dossier. En général, il est conseillé de poser des questions sur les événements dans l’ordre chronologique.

Vous n’êtes pas autorisée à poser des questions suggestives à vos témoins. Ce sont des questions qui suggèrent une réponse et auxquelles on peut généralement répondre par «oui» ou par «non».

Exemple: La question «N’avez-vous pas entendu James proférer des menaces?» est une question suggestive, car elle laisse entendre au témoin que James a proféré des menaces.

Si vous posez une question suggestive, l’autre partie peut s’y opposer et si l’objection est acceptée, votre témoin n’aura pas l’autorisation de répondre (pour plus d’informations sur les objections, voir Objections aux preuves). Il est préférable de poser des questions non suggestives et de laisser le témoin témoigner avec ses propres mots. Une question non suggestive est généralement une question ouverte qui ne suggère pas la réponse.

Par exemple: Les questions «Qu’est-ce que James a dit?» et «De quoi James avait-il l’air quand il a dit cela?» sont des exemples de questions non suggestives qui peuvent aboutir aux mêmes résultats que la question suggestive ci-dessus.

Pour illustrer les questions suggestives, prenons un exemple où vous essayez de faire dire à votre témoin qu’il a vu le défendeur (Alex) suivre la plaignante (vous) chez elle.

Exemple d’une série de questions suggestives:

Q1: Le 3 octobre, êtes-vous rentré à pied de votre travail en empruntant la Première rue à 14 heures
R1: Oui.

Q2: Pendant que vous rentriez chez vous, avez-vous vu la plaignante marcher dans la même rue?
R2: Oui.

Q3: Alex suivait-il la plaignante dans sa voiture?
R3: Oui.

Q4: Est-ce que la plaignante a demandé à Alex d’arrêter de la suivre?
R4: Oui.

Exemple d’une série de questions non suggestives:

Q1: À quelle heure avez-vous quitté votre travail le 3 octobre?
R1: 14 heures.

Q2: Quelle rue avez-vous empruntée?
R2: J’ai pris la Première rue.

Q3: Qu’avez-vous vu dans cette rue?
R3: J’ai vu la plaignante marcher pendant qu’Alex la suivait dans sa voiture.

Q4: Qu’a fait la plaignante?
R4: Elle a dit à Alex d’arrêter de la suivre.

Il peut être difficile de prévoir la réponse à des questions ouvertes. Par exemple, la Q3 («Qu’avez-vous vu dans cette rue?») peut donner lieu à de nombreuses réponses, telles que:

  • J’ai vu la plaignante marcher dans la rue.
  • J’ai vu la plaignante et Alex marcher ensemble.
  • Il y avait un embouteillage et un groupe de musique jouait sur le trottoir.

Aucune de ces réponses ne mentionne qu’Alex a suivi la plaignante. Il faudra poser d’autres questions pour que la personne qui témoigne dise qu’elle a vu Alex la suivre.

Les questions non suggestives étant très ouvertes, il est judicieux de préparer vos témoins à ce qui les attend et aux questions que vous leur poserez. Lorsque vous préparez un témoignage, vous ne pouvez pas demander au témoin de donner certaines réponses. Il est inapproprié de lui dire «Tu dois déclarer au tribunal que tu as vu Alex me suivre chez moi». Toutefois, pour préparer votre dossier, vous pouvez lui demander si elle a vu Alex vous suivre chez vous ce jour-là. Si c’est le cas, vous pouvez lui demander de témoigner à ce sujet. Si tel n’est pas le cas, son témoignage peut ne pas être pertinent pour votre affaire.

Rafraîchir la mémoire des témoins

Même si vous consacrez du temps à la préparation de vos témoins, il est possible que des détails importants pour votre affaire soient omis lors de leurs dépositions. Par exemple, votre témoin vous a dit avoir entendu Alex vous menacer alors qu’il vous suivait chez vous après le travail. Quand vous lui demandez ce qu’il a vu et entendu, votre témoin ne mentionne pas qu’Alex vous a menacé. Vous n’avez pas le droit de poser une question suggestive comme «N’avez-vous pas entendu Alex proférer des menaces à mon endroit?» Alors, comment faire en sorte que votre témoin dise qu’il a entendu Alex proférer des menaces? Si votre témoin a préparé un document sur l’incident, ce document peut être utilisé pour lui rafraîchir la mémoire. Le document peut être presque n’importe quoi. Les SMS, les entrées de journal et les croquis sont autant d’exemples de documents qui peuvent être utilisés. Cependant, le document doit avoir été créé par votre témoin alors que l’événement était encore frais dans sa mémoire.

Les étapes pour rafraîchir la mémoire d’un témoin sont assez simples:

  1. «épuiser» la mémoire du témoin. Lui demander s’il se souvient d’autre chose de l’événement en question.
  2. En cas de réponse négative, demandez au juge si vous pouvez rafraîchir la mémoire de votre témoin à l’aide d’un document.
  3. Remettez le document à votre témoin.
  4. Demandez au témoin s’il reconnaît le document et comment il a été créé. Par exemple: «S’agit-il du SMS que tu m’as envoyé après avoir vu Alex me suivre le 3 octobre?»
  5. Confirmez que le document a été établi à un moment où la mémoire de votre témoin était encore fraîche. Vous pouvez demander: «M’as-tu envoyé ces messages juste après avoir vu Alex me suivre?»

Objections

Au cours de l’interrogatoire, l’autre partie peut s’opposer si elle estime que vous avez posé une question inappropriée. L’autre partie dira «objection» et en expliquera les raisons. Vous avez ensuite la possibilité de répondre à l’objection. La juge décidera si l’objection est justifiée ou non. Si l’objection est justifiée, le témoin ne peut pas répondre à votre question et vous devez en poser une autre.

Vous pouvez également formuler des objections lorsque la partie adverse interroge ses témoins ou cherche à faire admettre des preuves. Par exemple, si vous pensez que l’autre partie pose à son témoin une question qui n’a aucun rapport avec l’affaire, vous pouvez vous y opposer. Les étapes de la procédure d’opposition sont les suivantes:

  1. Levez-vous après que l’autre partie a posé sa question et avant que le témoin n’ait commencé à y répondre.
  2. Adressez-vous au juge et exposez votre objection.

Il existe de nombreux motifs pour lesquels vous ou la partie adverse pouvez vous opposer à une preuve. Pour des informations détaillées sur les objections aux preuves, voir Objections aux preuves.

Contre-interrogatoire

Après chaque déposition, l’autre partie a la possibilité de poser des questions. Ce processus est appelé «contre-interrogatoire». La partie adverse vous interrogera (si vous avez témoigné) ou interrogera votre témoin sur les preuves apportées.

Le contre-interrogatoire vise généralement à ouvrir des brèches dans la version des faits des témoins ou d’ébranler leur crédibilité. C’est généralement la partie la plus stressante du témoignage. Vous pouvez vous préparer à un contre-interrogatoire réussi en expliquant pleinement votre témoignage (y compris les détails qui pourraient vous présenter sous un jour défavorable) lors de votre interrogatoire direct, et en restant calme et sereine.

Votre avocat·e mènera le contre-interrogatoire pour vous et posera des questions aux témoins de l’autre partie. Si vous n’avez pas d’avocat·e, vous devrez procéder vous-même au contre-interrogatoire. Le Manuel de droit civil du Conseil canadien de la magistrature à l’intention des personnes non représentées par un·e avocat·e contient un guide utile sur la conduite du contre-interrogatoire.

Avant de vous rendre au tribunal, vous devez organiser tous les documents et photos que vous avez l’intention de présenter. Voir Préservation et sauvegarde des preuves de VFGFT: Meilleures pratiques pour obtenir des informations sur la manière de collecter et d’entreposer vos preuves numériques.

Dans les affaires pénales, l’avocat·e de la Couronne présente toutes les preuves au tribunal. Vous n’êtes pas responsable de l’organisation ou de la présentation des preuves dans une affaire pénale.

Dans les affaires civiles, si vous disposez d’un grand nombre de documents physiques, il peut être judicieux de les ranger dans un classeur. Vous pouvez utiliser des onglets pour séparer chaque document. Vous devez également numéroter les pages de chaque document. Ensuite, faites trois copies du classeur afin de pouvoir fournir au juge, à l’autre partie et à votre témoin une copie si nécessaire. De cette façon, vous pouvez facilement montrer le document ou la photo en demandant au tribunal de consulter un onglet ou un numéro de page de votre classeur. Ainsi, tout le monde peut facilement regarder la même chose.

Le processus de présentation de documents et de photos est appelé «introduction d’une pièce à l’appui». Les documents doivent être présentés au tribunal avant d’être acceptés comme preuves. Un document accepté comme preuve devient une pièce à l’appui.

Quand les documents sont-ils présentés?

En cas de déposition orale, les documents doivent être présentés oralement pendant cette période. Si la preuve est fournie par le biais d’un affidavit, les documents sont alors présentés en tant que pièces jointes à l’affidavit. Dans les deux cas, chaque document doit être présenté par vous, soit l’un des autres témoins de votre affaire. La personne qui introduit la preuve doit pouvoir authentifier ce document, c’est-à-dire quelqu’un qui peut expliquer ce qu’est le document et comment il a été créé. Pour plus d’informations, voir Authentification des preuves numériques. Si vous pouvez confirmer que le document est bien ce qu’il prétend être, vous pouvez le présenter vous-même. Si vous ne pouvez pas confirmer que le document est ce qu’il prétend être, vous n’êtes pas un témoin approprié pour présenter le document.

Réexamen

Le réexamen est l’occasion de poser des questions après le contre-interrogatoire. Le contre-interrogatoire peut parfois faire apparaître des problèmes ou des incohérences dans un récit. L’objectif du réexamen est de vous donner la possibilité de clarifier ces questions. Lors du réexamen, seules des questions relatives aux points soulevés lors du contre-interrogatoire sont admises. Vous n’avez pas le droit de poser des questions sur des éléments qui n’ont pas été mentionnés lors du contre-interrogatoire.

La procédure de présentation d’enregistrements vidéo et audio est similaire à celle de documents ou de photos. Il existe toutefois des différences importantes.

Si vous prévoyez présenter des enregistrements vidéo ou audio comme preuve dans une procédure judiciaire, vous devez vérifier auprès du greffe du tribunal où l’affaire est entendue si la technologie nécessaire pour lire ces enregistrements est disponible. Vous devrez soit demander du matériel au tribunal, soit obtenir l’autorisation d’apporter votre propre appareil, tel qu’un ordinateur portable, pour lire l’enregistrement vidéo. Vous n’obtiendrez probablement pas l’autorisation de diffuser un enregistrement sur votre téléphone, à moins que le tribunal ne l’approuve. Vous devrez peut-être transférer les enregistrements vidéo sur des DVD ou envisager d’autres façons de les présenter.

Il est recommandé de faire une transcription de l’enregistrement vidéo. Il peut être utile pour le tribunal de pouvoir lire ce qui a été dit (cela permet de gagner du temps et peut être plus précis que l’enregistrement). En outre, il peut arriver que vous n’obteniez pas l’autorisation de présenter une vidéo au tribunal. Dans ces situations, une transcription peut être admise comme preuve à la place. Par exemple, s’il y a beaucoup de bruits de fond ou d’interruptions, les juges peuvent préférer la transcription à l’enregistrement. Dans ce cas, il est possible d’utiliser un logiciel de transcription des parties pertinentes de votre enregistrement comme preuve. 

  Si vous pouvez le faire en toute sécurité et si vous disposez d’un accès à Internet, il existe des outils de transcription en ligne très utiles, tels que www.descript.com ou Google Voice Transcription vocale par l’intermédiaire de Google Docs. Si vous utilisez un service de transcription secondaire, vous devrez revérifier toutes les transcriptions en les lisant et en écoutant l’enregistrement audio. Vous pouvez corriger les erreurs éventuelles afin que la transcription soit exacte. 

Dans les affaires pénales, le procureur de la Couronne est chargé de préparer toutes les preuves pertinentes et de veiller à ce que le tribunal dispose des moyens d’écouter ou de visionner les enregistrements vidéo ou audio.

Présentation d’enregistrements audio et vidéo par des témoins

Les témoins qui introduisent une preuve doivent pouvoir l’authentifier, c’est-à-dire expliquer ce qu’est l’enregistrement et comment il est apparu. Idéalement, il s’agit de la personne qui a réalisé l’enregistrement. Pour plus d’informations, voir Authentification des preuves numériques. Si vous pouvez confirmer que le document est bien ce qu’il prétend être, vous pouvez agir en tant que témoin et le présenter vous-même. Si vous ne pouvez pas confirmer que le document est ce qu’il prétend être, vous n’êtes pas un témoin approprié pour présenter le document.

La violence fondée sur le genre facilitée par la technologie (VFGFT) fait partie d’un continuum de violence qui peut se produire à la fois en ligne et en personne. Si vous ou l’une de vos connaissances faites face à la VFGFT, vous n’êtes pas seule. Vous pouvez consulter hebergementfemmes.ca pour trouver une maison d’hébergement près de chez vous ou appeler ou envoyer un message texte à Jeunesse, J’écoute pour discuter de vos options et créer un plan de sécurité. Vous n’avez pas besoin de résider dans une maison d’hébergement pour accéder à un soutien et à des services gratuits et confidentiels.

Nous remercions Moira Aikenhead pour l’expertise qu’elle a apportée à la mise à jour de cette trousse à outils Sherry Xu, candidate au doctorat, et Peter A. Allard School of Law, UBC, avec le soutien de Pro Bono Students Canada, pour la création de ce document.

Adapté avec l’autorisation du projet Technology Safety de la BCSTH, d’après leur ressource Submitting Evidence in Court.

  1. Au Canada, il est légal d’enregistrer secrètement une conversation à laquelle vous participez. Vous devez être la personne qui effectue l’enregistrement. Vous ne pouvez pas demander à un ami d’enregistrer une conversation dans laquelle vous êtes impliquée, à moins qu’il ne soit également impliqué dans la conversation. Il est illégal d’enregistrer une conversation à laquelle vous ne participez pas (c’est-à-dire d’écouter ou de mettre sur écoute).
  2. Sopinka, Lederman & Bryant, The Law of Evidence in Canada, 4e édition (Markham: LexisNexis Canada Inc., 2014)

Contrôle de sécurité!

Si vous pensez que quelqu’un surveille vos appareils, visitez ce site web depuis un ordinateur, une tablette ou un téléphone non surveillé.

QUITTEZ MAINTENANT ce site web et supprimez-le de l’historique de votre navigateur.

Quitter le site