Une note sur la langue
Dans cette trousse, nous utiliserons parfois le mot femme et les pronoms féminins par souci de simplicité et pour reconnaître l’impact significatif de la violence facilitée par la technologie sur les femmes et les filles. Nous reconnaissons que la VFGFT a également un impact sur les personnes trans, non binaires et bispirituelles. Nous espérons que toutes les personnes touchées par la VFGFT trouveront ces documents utiles.
Introduction
Ce document vise à aider les adolescents exposés à la cyberviolence dans les fréquentations à comprendre leurs options juridiques. Il est question des différentes lois qui peuvent servir à traduire les auteurs en justice. Nous couvrirons la marche à suivre si vous décidez d’entamer une procédure judiciaire contre un auteur de cyberviolence dans les fréquentations chez les adolescents. Pour plus d’informations, consultez notre trousse sur les Recours juridiques en cas de VFGFT. Si vous ne comprenez pas certains termes juridiques, consultez les documents Définitions des termes juridiques: Droit civil et droit de la famille, et Définitions des termes juridiques: Droit pénal.
Note: Il existe plusieurs types de lois. En cas de cyberviolence dans les fréquentations, vous pouvez utiliser toutes les lois qui s’appliquent à votre situation. Par exemple, si quelqu’un a partagé des photos intimes de vous en ligne, vous pouvez engager une procédure pénale. Vous pouvez engager une action civile contre la personne et demander une indemnisation et une injonction. Vous pouvez également obtenir un engagement de ne pas troubler l’ordre public pour éviter tout contact.
La loi peut contribuer à faire en sorte que les auteurs soient tenus responsables de leurs actes. Des lois différentes s’appliquent dans des circonstances différentes. Le présent document passe en revue quatre domaines généraux du droit qui peuvent contribuer à mettre un terme à la cyberviolence dans les fréquentations chez les adolescents: le droit pénal, le droit civil, la protection des droits de la personne et les engagements de ne pas troubler l’ordre public.
Droit pénal
Une infraction pénale est un délit puni par la loi. Au Canada, les infractions pénales sont définies dans le Code criminel. La liste suivante présente les infractions pénales susceptibles de s’appliquer dans les cas de cyberviolence chez les adolescents. En parcourant cette liste, demandez-vous si l’auteur a commis l’un des crimes suivants.
- Harcèlement criminel: L’article 264 du Code criminel stipule que le fait de suivre de manière répétée, de communiquer avec une personne, de surveiller le domicile d’une personne OU d’adopter un comportement menaçant à l’égard d’une personne constitue un délit si ce comportement lui fait craindre pour sa sécurité.
- Sachez que le «harcèlement» n’est pas la même chose que le «harcèlement criminel». Par exemple, recevoir des SMS non désirés est une forme de harcèlement. Mais il ne s’agit de harcèlement criminel que si ces SMS sont répétitifs et vous font craindre pour votre sécurité.
- Notez que ce délit peut s’appliquer à de nombreux types de cyberviolence chez les adolescents dans le cadre des fréquentations. Le harcèlement, la traque, l’intimidation, l’usurpation d’identité et le partage d’images intimes peuvent tous être considérés comme du harcèlement criminel.
- Si quelqu’un fait quelque chose qui vous fait craindre pour votre sécurité, il y a de fortes chances qu’il s’agisse de harcèlement criminel.
- Proférer des menaces: L’article 264.1 du Code criminel stipule que le fait de menacer de causer des dommages corporels à une personne ou de menacer de détruire ses biens constitue une infraction.
- Contrairement au harcèlement criminel, le délit de menaces ne nécessite pas que vous craigniez pour votre sécurité. Du moment qu’une menace est proférée, un délit peut avoir été commis.
- Extorsion: L’article 346 du Code criminel stipule que le fait d’user de menaces pour obliger une personne à faire quelque chose constitue un délit.
- Intimidation: L’article 423 du Code criminel stipule que le fait d’utiliser un comportement intimidant pour empêcher une personne de faire quelque chose constitue un délit.
- Les comportements intimidants peuvent inclure la violence, les menaces en ligne ou en personne, la traque, ou la surveillance du domicile.
- Publication d’une image intime sans consentement: L’article 162.1 du Code criminel stipule que la publication, la distribution, la mise à disposition ou la publicité d’une image intime sans consentement constitue un délit.
- Notez qu’il n’est pas nécessaire de montrer une image intime à une autre personne pour que ce délit s’applique. Dès lors que quelqu’un fait de la publicité pour les images, l’infraction est commise. Par exemple, si un ex dit à ses amis qu’il peut leur montrer des images intimes de vous, il s’agit de publicité pour une image intime.
- Distribution de pornographie juvénile: L’article 163.1(3) du Code criminel stipule que la distribution d’une image ou d’une vidéo à caractère sexuel montrant une personne âgée de moins de dix-huit ans ou présentée comme telle constitue une infraction.
- Même si vous acceptez que quelqu’un partage une image sexuelle de vous, il s’agit toujours d’un délit si vous avez moins de 18 ans.1
- Leurrer un enfant: L’article 172.1 du Code criminel stipule que l’utilisation de l'Internet pour communiquer avec une adolescente dans le but de la persuader de se rencontrer pour des activités sexuelles constitue une infraction.
- Ce délit peut s’appliquer dans des situations où un adulte fait pression sur vous pour que vous lui envoyiez des photos ou des SMS à caractère sexuel. Même si vous ne vous êtes pas encore vus en chair et en os, si l’adulte a l’intention de vous rencontrer pour avoir des relations sexuelles, ce délit a été commis.
Si vous pensez qu’un crime a été commis à votre encontre, vous pouvez entamer une procédure pénale formelle. L’auteur pourrait être puni pour ses actes s'il est reconnu coupable du crime. La sanction varie en fonction de la situation.
Parfois, la sanction peut être une amende, d’autres fois, une peine de prison.
Procédures pénales
Vous pouvez vouloir engager des poursuites pénales et porter plainte auprès de la police, mais vous pouvez aussi souhaiter vous abstenir pour diverses raisons (par exemple, ne pas vouloir témoigner). Ce n’est peut-être pas votre seule option, car de nombreuses provinces et territoires disposent d’autres recours civils qui peuvent être mieux adaptés à votre cas. Voici quelques informations utiles si vous décidez d’engager une procédure pénale.
- Tout d'abord, vous pouvez vous inscrire au Centre canadien de ressources pour les victimes de crimes. Ce programme peut vous aider à défrayer certaines dépenses et vous fournir soutien et conseils. Vous pouvez vous inscrire dès qu’un délit a été commis à votre encontre. L’auteur n’a pas à être arrêté ou inculpé pour que vous puissiez introduire une demande.
- Pour entamer une procédure pénale formelle, vous devez commencer par dénoncer l’auteur à la police. Cette démarche est nécessaire si vous souhaitez que la personne soit accusée d’un délit.
- Apportez vos preuves au poste de police et demandez à parler à quelqu'un.
- Si votre preuve contient des informations personnelles ou des images que vous n’êtes pas à l’aise de partager, parlez de vos options avec le personnel policier.
- L’agent·e va enquêter sur votre cas. Pendant l’enquête, la police peut s’entretenir avec d’autres témoins, tels que votre famille et vos amis.
- Si l’agent·e refuse d’enquêter et ne prend aucune autre mesure, remontez sa hiérarchie pour voir ce qu’il est possible de faire. Vous pouvez demander à parler à une personne plus haut placée à la réception du poste de police. En cas de refus de poursuivre l’enquête, vous pouvez envisager de déposer une plainte si vous estimez que votre cas doit aller plus loin.
- Après avoir enquêté, la police déterminera s’il convient ou non d’inculper l’auteur.
- Si oui, la police recommandera à la Couronne d’inculper l’auteur de violence. Les avocat·es de la Couronne travaillent pour le gouvernement.
- Si la réponse est négative, la police ne recommandera pas d’inculpation à la Couronne.
- Cela signifie que votre affaire s’arrêtera là. Toutefois, si vous pensez toujours que l’auteur a commis un délit à votre encontre et qu’il devrait être inculpé, vous devriez remonter la hiérarchie. En cas de refus, vous pouvez envisager de déposer une information.
- Sur recommandation de la police d’inculper l’auteur, la Couronne décidera si elle est d’accord avec la police.
- Si oui, la Couronne inculpera l’auteur du crime.
- Cela ne signifie pas que cette personne est automatiquement coupable du crime. L’auteur comparaîtra devant le tribunal, qui se prononcera au sujet de sa culpabilité. L’accusé aura la possibilité de se défendre. Si reconnu coupable d’avoir commis le crime, il recevra une peine qui dépendra des circonstances de votre cas.
- Il se peut également que l’on vous demande de témoigner devant le tribunal au sujet de votre expérience et de toute preuve que vous avez apportée.
- Si la Couronne n’est pas d’accord avec la recommandation de la police, il n’y aura pas de poursuite criminelle.
- Cela signifie que votre affaire s’arrêtera là.
- Si vous n’êtes pas d’accord avec la décision de la Couronne, vous devez demander des explications. La loi l’oblige à partager avec vous les motifs de sa décision.
- La Couronne ne poursuivra pas l’affaire si les preuves lui semblent insuffisantes. Vous pouvez demander à la Couronne de vous indiquer les preuves manquantes. Si vous découvrez de nouveaux éléments, vous devez les porter à l'attention de la Couronne. La Couronne poursuit généralement une affaire lorsqu'il existe suffisamment de preuves qu’un crime a été commis.
- La Couronne ne poursuivra pas l’affaire si les preuves lui semblent insuffisantes. Vous pouvez demander à la Couronne de vous indiquer les preuves manquantes. Si vous découvrez de nouveaux éléments, vous devez les porter à l'attention de la Couronne. La Couronne poursuit généralement une affaire lorsqu'il existe suffisamment de preuves qu’un crime a été commis.
- Si oui, la Couronne inculpera l’auteur du crime.
Dans les poursuites pénales, vous pouvez vous faire accompagner d’une personne de soutien, par exemple un adulte de confiance, une travailleuse sociale ou un·e avocat·e.
Déposer une information
Si vous pensez qu’un délit a été commis à votre encontre, vous devez le signaler à la police afin d’entamer une procédure pénale formelle. Cependant, il arrive que la police estime que votre cas n’est pas suffisamment grave pour aller de l’avant. Dans ce cas, vous pouvez «déposer une information». Le dépôt d’une information consiste à informer un tribunal au sujet d'un délit, au lieu d'aller à la police. La procédure est décrite ci-dessous.
- Assurez-vous de savoir quelle infraction pénale a été commise. Il existe une liste d’infractions pénales liées à la cyberviolence dans les fréquentations chez les adolescents.
- Si aucun délit n’a été commis, il n’y a pas lieu de déposer une information.
- Si vous pensez qu’un crime a été commis, rendez-vous dans un palais de justice disposant d’un greffe.
- Indiquez au greffe du tribunal que vous souhaitez déposer une information.
- Une personne recevra les informations sur le crime qui a été commis.
- Ces informations seront transmises à une juge ou juge de paix.
- Elles seront également transmises à la Couronne.
- Il y aura une audience de procédure. Vous devrez vous présenter au tribunal et parler à une juge. Au cours de l’audience, vous devrez présenter des preuves démontrant que l’auteur a commis le crime en question.
- Vous devez apporter toutes les preuves que vous avez recueillies. Voir Préservation des preuves de violence numérique dans les fréquentations chez les adolescents pour plus d’informations.
- La Couronne sera également présente au tribunal et pourra vous poser des questions au sujet de votre témoignage.
- Si la juge est satisfaite de vos preuves, elle ordonnera à l’auteur de se présenter au tribunal à une date ultérieure.
- Cela ne signifie pas forcément qu’il sera jugé coupable d’un crime et il aura la possibilité de se défendre. La Couronne sera chargée de démontrer la culpabilité de l’auteur. Il se peut également que vous deviez à nouveau comparaître en tant que témoin. Si reconnu coupable, l’auteur recevra une peine qui dépendra des circonstances de l'affaire.
Avis de non-responsabilité: Après l’étape 4, la Couronne peut intervenir et interrompre la procédure à tout moment si votre dossier n’est pas assez solide. Cela signifie que votre dossier n’ira pas plus loin, et que les étapes 5 et 6 ne s'appliqueront pas.
Droit civil
Le droit civil vous permet de poursuivre une autre personne pour le préjudice qu’elle vous a causé. Il n'est pas ici question d’accuser l’autre personne d’avoir commis un crime. Vous dites simplement que vous avez été lésée par l’autre personne et que vous demandez une indemnisation pour ce préjudice. Si vous vivez de la cyberviolence dans votre vie amoureuse, vous pouvez engager une action civile. Si vous gagnez votre procès, vous pouvez recevoir une indemnisation (c’est-à-dire de l’argent) de la part de l'autre partie. Dans certains cas, vous pouvez également obtenir une injonction, un ordre du tribunal qui oblige l’auteur de violence à faire quelque chose. Par exemple, supprimer les messages insultants publiés sur les médias sociaux.
Procédures de droit civil
À l’adolescence, votre capacité à intenter un procès civil est limitée. Vous avez deux possibilités pour engager une action civile.
- Les adolescents (moins de 19 ans) ne sont pas autorisés à entamer des poursuites civiles. Vous devez demander à un adulte d’intenter une action en justice en votre nom. Cet adulte est appelé tutrice/tuteur ou représentant·e au contentieux. La personne qui vous représente en cas de litige peut être un membre de votre famille ou tout autre adulte de confiance. Il lui est recommandé de faire appel à un·e avocat·e, mais ce n’est pas obligatoire dans la plupart des cas. L'adulte qui vous représente en justice peut intenter une action civile en votre nom en suivant les directives de votre province ou territoire.
- Si vous n'avez personne pour vous représenter, vérifiez si votre province ou territoire offre un programme de tutelle ou de curatelle qui peut intenter une action en votre nom. Vous devrez expliquer pourquoi aucun adulte de votre entourage ne peut vous représenter au contentieux. Si vous êtes admissible à la tutelle, le programme pourra peut-être embaucher un·e avocat·e qui se chargera de l’affaire.
Protection des droits de la personne
Note: Cette section concerne la cyberviolence dans les fréquentations que vous vivez à l’école lorsque l’auteur est un autre élève.
Les provinces et territoires peuvent disposer d’un code des droits de la personne qui protège contre la discrimination fondée sur la race, la couleur, le lieu d’origine, la religion, le handicap physique ou mental, le sexe, l’identité ou l’expression de genre et l’orientation sexuelle. En vertu de la protection des droits de la personne, votre école peut avoir la responsabilité de s’assurer que vous n’êtes pas la cible de discrimination de la part d’autres élèves. Par exemple, si une personne que vous fréquentez envoie régulièrement des blagues racistes à votre sujet à vos camarades de classe, votre école doit faire un réel effort pour mettre fin à ces abus. Si votre école est au courant et ne fait pas d’efforts concrets pour y remédier, vous pouvez saisir le Tribunal des droits de la personne et déposer une plainte contre votre école. Le Tribunal décidera si votre école a manqué à son devoir de fournir un environnement exempt de comportement discriminatoire. Si le Tribunal décide que votre école n’en a pas fait assez pour mettre fin à la conduite discriminatoire, vous pouvez obtenir une compensation (c’est-à-dire de l’argent) de la part de votre école.
Si vous vivez de la cyberviolence dans vos fréquentations impliquant de la discrimination dans votre école, poursuivre votre école pour négligence constitue une alternative qui peut porter fruit. Recherchez le code des droits de la personne de votre province ou territoire pour plus d’informations sur la manière de procéder.
Ordonnance de ne pas troubler l’ordre public
Une ordonnance de ne pas troubler l’ordre public empêche une personne de vous contacter. Elle peut aussi:
- Obliger l’auteur à demeurer à une certaine distance de vous
- L’empêcher de se rendre dans certains lieux que vous fréquentez
- Lui interdire de porter des armes
La cyberviolence dans les fréquentations fait partie d’un continuum de violence qui peut se produire à la fois en ligne et en personne. Si vous ou une personne de votre entourage êtes victime de cyberviolence dans les fréquentations, vous n’êtes pas seule. Encouragez-les à discuter avec un adulte de confiance, à contacter Jeunesse, J’écoute pour créer un plan de sécurité. Vous pouvez consulter hebergementfemmes.ca pour trouver une maison d’hébergement près de chez vous afin de discuter de vos options et de créer un plan de sécurité. Vous n’avez pas besoin de résider dans une maison d’hébergement pour accéder à un soutien et à des services gratuits et confidentiels.
Nous remercions Sherry Xu, candidate au doctorat, Peter A. Allard School of Law, UBC, pour la création de ce document.
- La Cour suprême du Canada, dans l’affaire R. c. Sharpe en 2001, a reconnu qu’il existe certaines situations dans lesquelles «un couple d’adolescents qui créerait et conserverait des photos sexuellement explicites d’eux-mêmes séparément ou ensemble en train de se livrer à une activité sexuelle légale, pourvu qu’ils aient pris les photos ensemble et qu’ils ne les aient échangées qu’entre eux».