Chat et messagerie en ligne: Guide pour les organisations antiviolence
Une note sur la langue
Dans cette trousse, nous utiliserons parfois le mot femme et les pronoms féminins par souci de simplicité et pour reconnaître l’impact significatif de la violence facilitée par la technologie sur les femmes et les filles. Nous reconnaissons que la VFGFT a également un impact sur les personnes trans, non binaires et bispirituelles. Nous espérons que toutes les personnes touchées par la VFGFT trouveront ces documents utiles.
Certaines organisations antiviolence utilisent le chat ou la messagerie en ligne comme moyen de communication avec les survivantes. Ce type de plateforme est utile pour les personnes qui ne veulent pas parler au téléphone et peut améliorer l’accessibilité. En cas d’urgence, les organisations peuvent utiliser le clavardage ou la messagerie pour répondre à une crise, ou pour fournir un soutien régulier.
Comprendre les services de clavardage
Aux fins du présent document, le chat, ou «clavardage», fait référence à des pages web où une survivante se connecte, via un lien sur le site de l’organisation.
Une survivante entame la conversation en cliquant sur le lien. La session reste dans la boîte de dialogue et la survivante n’a pas à supprimer les messages d’une appli ou de son dossier de SMS. Les forums de discussion peuvent être configurés de manière à ce que l’historique soit supprimé dès la fin de la conversation. Une organisation canadienne antiviolence en est un exemple: https://pasbienottawa.ca/.
Une autre option consiste à communiquer par l’intermédiaire de plateformes tierces accessibles sur un navigateur, ou d’applis connectées à un numéro de téléphone ou à un compte de média social (WhatsApp, Facebook Messenger, etc.). Ces plateformes ne sont pas aussi sécuritaires que les services de clavardage basés sur le web.
Comprendre les SMS
Si une organisation envisage d’utiliser les SMS ou les messageries comme principale méthode de prestation de services, les plus sécuritaires sont les plateformes destinées aux organisations qui communiquent régulièrement avec les survivantes par SMS. Bien que les survivantes utilisent fréquemment les SMS, il est préférable de recevoir des messages sur un ordinateur appartenant à l’organisation plutôt que sur un téléphone.
Les services de textos liés à un ordinateur de l’organisation offrent des avantages de gestion du personnel et permettent de transmettre des «messages» en dépit de changements d’équipe et permettent à plusieurs personnes de répondre aux messages. Les plateformes peuvent être adaptées aux besoins de l’organisation et inclure l’envoi d’avertissements standard et d’autres messages d’information avant ou à la fin de chaque conversation par SMS. Les plateformes utilisées pour les lignes d’écoute ou les services de messagerie doivent inclure de solides protocoles de sécurité et de confidentialité afin d’accroître la protection et de minimiser les atteintes à la vie privée. Le site https://pasbienottawa.ca/ propose également des options de messagerie SMS sécurisée pour les survivantes à Ottawa.
Les deux options comportent des risques et des avantages. Les organisations doivent intégrer des considérations de sécurité et de confidentialité dans leur travail de soutien afin de développer des politiques et des protocoles qui facilitent l’accès aux services tout en minimisant les risques. Le chat et la messagerie posent un ensemble unique de considérations relatives à la sécurité et à la protection de la vie privée.
Minimiser l’interception
Dans un contexte de violence conjugale, de traque ou de harcèlement, il est toujours possible que quelqu’un surveille l’appareil d’une femme et de ses enfants. Cela peut se produire en accédant physiquement à l’appareil (à son insu ou non), aux informations sauvegardées dans le nuage, ou en raison d’un logiciel espion installé sur l’appareil.
- Abordez toujours la sécurité des survivantes au début de la conversation. Demandez-leur si elles craignent que leur appareil soit surveillé. Faites-leur savoir que le clavardage peut être un moyen de communication risqué si l’appareil est surveillé. Si besoin, vous pouvez leur suggérer des options pour une communication plus sécuritaire (voir ci-dessous). Si l’appareil risque d’être surveillé, mais que la survivante souhaite tout de même discuter, respectez sa décision. Informez-la au sujet de la sécurité et laissez-la prendre la décision finale sur ce qui est préférable dans sa situation actuelle.
- Si la crainte de la surveillance numérique est un obstacle, explorez ensemble d’autres moyens de communiquer en toute sécurité, comme l’utilisation d’un autre appareil (ordinateur de la bibliothèque), un appel téléphonique ou vidéo, ou une conversation en personne.
- Certains services de clavardage permettent de configurer la plateforme de sorte que lorsque le personnel antiviolence met fin à la conversation, la fenêtre sur l’appareil des survivantes est automatiquement fermée et l’historique effacé. Informez les survivantes de ce qui se passera lorsque vous mettrez fin à une conversation.
- Désactiver les options permettant d’enregistrer ou de copier les clavardages. Les appels à la ligne d’écoute et les interactions en personne avec les survivantes ne sont généralement pas enregistrés; les clavardages doivent respecter les mêmes pratiques de confidentialité.
- Découvrez comment l’adresse web du service apparaîtra dans le navigateur des survivantes et aidez-les à élaborer des stratégies visant à éliminer ou à minimiser les risques de surveillance de la part d’un auteur de violence.
Empêcher l’usurpation d’identité
En l’absence de contact en personne ou de composante audio, le clavardage et la messagerie en ligne peuvent permettre l’usurpation d’identité. Cette situation peut être très inconfortable si le personnel antiviolence échange régulièrement avec la survivante et aborde des questions soulevées lors de conversations antérieures.
- Appliquez les mêmes protocoles de sécurité et de confidentialité aux lignes d’écoute par clavardage qu’aux appels téléphoniques, lorsque l’appelant peut être un auteur de violence ou une personne inconnue. Répondez à des questions spécifiques, mais ne communiquez pas d’informations personnelles, y compris sur d’autres survivantes ou membres du personnel.
- Lorsque chattez avec une survivante, instaurez une méthode permettant de vérifier son identité. Des codes secrets au début de chaque conversation peuvent confirmer l’identité. Faites-lui savoir que vous allez peut-être lui redemander le code au cours de la conversation, pour confirmer que vous vous adressez toujours à la même personne. Mettez régulièrement à jour le code secret.
- Ne vous fiez pas aux comptes d’utilisateurs pour confirmer l’identité. Même s’ils semblent plus sécuritaires parce qu’ils nécessitent un nom d’utilisateur et un mot de passe, ils ne garantissent pas que la personne avec laquelle vous communiquez est bien titulaire du compte. Un auteur pourrait accéder au compte en devinant le nom d’utilisateur et le mot de passe, ou les découvrir en surveillant les appareils. En outre, le fait de devoir créer un compte d’utilisateur peut constituer un obstacle à l’accès aux services.
Garantir la confidentialité des données
La plupart des plateformes de clavardage sur le marché ont été créées pour le service à la clientèle ou la communication dans le domaine de la télésanté, et non pour fournir des services antiviolence. De par leur conception, ces plateformes recueillent de nombreuses informations. Il peut s’agir de données accessoires (adresse IP, type d’appareil, localisation générale, etc.). La plateforme peut également stocker des informations détaillées: nombre de fois ou une personne a été contactée, dates et heures de ces contacts et transcriptions complètes des conversations. Certaines plateformes sont configurées pour collecter des données spécifiques dans le cadre du clavardage.
Pour les entreprises, ces informations peuvent contribuer à la satisfaction de la clientèle et à l’augmentation des bénéfices. Pour les organisations antiviolence, la saisie de ces informations peut créer des risques complexes de sécurité, et enfreindre les meilleures pratiques en matière de confidentialité.
Données sur les survivantes
- Collecter le minimum d’informations nécessaires pour fournir le service approprié et conserver ces informations pendant la période prescrite par les lois applicables en matière de confidentialité. Ne recueillez pas plus d’informations que vous ne le feriez dans le cadre d’un appel d’urgence traditionnel ou d’une conversation en personne.
- Choisissez une plateforme qui ne stocke pas le contenu des conversations; il est également utile de désactiver la fonction «sauvegarder» ou «enregistrer» des conversations.
Collecte de données démographiques
- Si votre organisation choisit de poser des questions démographiques (ou toute autre question) au début d’un clavardage, la survivante peut se sentir obligée de répondre aux questions pour obtenir de l’aide. Il faut préciser qu’il n’est pas obligatoire de répondre à ces questions.
- Si la survivante choisit de répondre, expliquez-lui pourquoi vous recueillez ces informations et comment leur partage peut affecter sa vie privée et sa sécurité. Donnez-lui la possibilité de participer ou non en toute connaissance de cause.
Collecte de métadonnées
- Des métadonnées (adresse IP, type d’appareil, localisation générale, etc.) peuvent être collectées automatiquement par le chat. Demandez au fournisseur si des métadonnées sont collectées, qui a accès à ces données, si elles sont partagées et avec qui, à quelle fréquence elles sont supprimées, etc. La plupart de ces informations figurent dans leur politique de confidentialité. Si la plateforme le permet, refusez la collecte de métadonnées. Dans le cas contraire, demandez à ce que le système soit personnalisé afin de supprimer les informations le plus rapidement possible (idéalement de manière automatique). Si leurs pratiques en matière d’accès et de partage des données ne correspondent pas à vos besoins de sécurité, trouvez une autre plateforme.
- Certaines plateformes peuvent s’intégrer aux bases de données de votre organisation et stocker automatiquement les contacts. Il ne s’agit pas d’une bonne pratique de clavardage pour préserver l’anonymat.
Sécurité des données
- Choisissez une plateforme où le personnel du fournisseur ne peut pas voir ou conserver les conversations. C’est ce que l’on appelle parfois les services de cryptage «zéro connaissance» ou «à connaissance nulle» ou encore «no view». Dans un tel système, c’est votre organisation qui détient la clé pour décoder les données, et non l’entreprise. Personne au sein de l’entreprise ne peut voir votre contenu, que ce soit de manière accidentelle ou volontaire. En outre, en cas de citation à comparaître ou d’une décision de justice, l’entreprise ne pourrait révéler aucune information lisible à cause de la façon dont les données sont cryptées.
- Si l’entreprise qui héberge la plateforme a accès à des informations d’identification ou des contenus provenant des survivantes, négociez une clause qui impose des conséquences strictes si l’entreprise accède à ces informations privées. En cas de violation, l’entreprise doit vous en informer immédiatement.
- Le personnel antiviolence doit limiter au maximum le partage d’informations d’identification des survivantes et d’autres personnes sur la plateforme.
- Informez les survivantes de la plateforme que vous utilisez afin qu’elles puissent choisir, en fonction de leurs propres plans de sécurité, de communiquer ou non par ce moyen. Certaines peuvent choisir de ne pas utiliser une technologie particulière parce que l’auteur de violence est susceptible d’y accéder.
Informer les survivantes de leurs droits et de leur libre arbitre
Tout comme pour les appels téléphoniques de crise et les réunions en personne, votre organisation doit mettre en place un processus qui informe les survivantes de leurs droits et du fait qu’elles feront leur propre choix. Il s’agit notamment des droits suivants:
- Accès volontaire aux services
- Choisir ce qu’elles veulent ou non partager avec vous
- Décider si et comment leurs informations personnelles seront partagées avec des tiers
- Être mises au courant de toute obligation de signalement de votre organisation
Au sujet du clavardage, votre organisation devra créer des processus et des politiques pour promptement informer les survivantes de leurs droits. Par exemple, si une membre du personnel ayant une obligation de signalement a une conversation en personne avec une survivante sur le point de divulguer quelque chose qui pourrait relever de la protection de l’enfance, elle peut l’interrompre respectueusement pour lui rappeler son obligation. La survivante peut alors décider de continuer à divulguer des informations ou non. C’est plus difficile dans une conversation par clavardage, car des informations peuvent être révélées avant que l’intervenante ne puisse lui faire savoir les limites de la confidentialité dans un tel cas. Il est important de notifier d’emblée la survivante de ses droits.
Au début de chaque session, informez-la de ses droits et des enjeux de sécurité, des limites éventuelles de la confidentialité et de toute autre question généralement abordée lors d’appels vocaux. Certaines plateformes permettent de créer des messages «préenregistrés» qui s’affichent automatiquement au début de chaque session de clavardage. Si le logiciel ne permet pas d’afficher des messages préenregistrés, vous pouvez copier et coller le message standard à partir d’un document électronique. Toutefois, le langage doit être bref, pertinent et clair, et un lien doit renvoyer à des informations plus détaillées. Donnez aux survivantes la possibilité de discuter de ces enjeux si elles ont des questions ou souhaitent obtenir davantage d’informations.
Garantir une dotation en personnel appropriée
Les conversations par clavardage sont souvent plus longues que les appels téléphoniques traditionnels et les survivantes ont tendance à divulguer des informations plus explicites. En outre, ces conversations peuvent prendre fin brusquement si la survivante cesse tout simplement de répondre. Pour cette raison, les chat peuvent nécessiter des compétences différentes, ainsi qu’un soutien et l’embauche de plus de personnel.
- Élaborer des procédures sur la manière de réagir si une survivante cesse de communiquer. S’inspirer des pratiques existantes en cas d’abandon d’un appel téléphonique.
- Préparer des messages clairs que le personnel peut transmettre aux survivantes pour les aviser qu’après un certain laps de temps sans réponse, la conversation sera close.
- Étant donné que les conversations par clavardage durent souvent plus longtemps que les appels téléphoniques, réfléchissez à la manière dont le personnel gérera les changements d’équipe si la conversation se poursuit au-delà des heures de travail d’une intervenante. Vous pouvez transférer une conversation d’une membre du personnel à l’autre; prévoyez toutefois des procédures pour informer la survivante qu’elle va parler à quelqu’un d’autre. Vous pouvez également mettre en place une politique suggérant au personnel de ne pas entamer de nouvelles conversations au cours des 30 dernières minutes de leur quart de travail.
- Étant donné que les conversations par clavardage ont tendance à être plus explicites que les appels téléphoniques, assurez-vous que le personnel est bien préparé et soutenu.
Formation et mise en œuvre des services de clavardage
Il est essentiel que le personnel antiviolence qui utilise les plateformes de clavardage soit formé aux nuances de la communication non verbale avec les survivantes. Il importe de s’assurer que les survivantes comprennent clairement quand le clavardage est disponible (jours de la semaine, heures de la journée) et connaissent les alternatives si le système est en panne.
- Affichez clairement les heures auxquelles le clavardage est disponible sur votre site. Si ces heures changent de manière inattendue ou en cas de problèmes techniques, veillez à ce que cela soit clairement indiqué. Y a-t-il d’autres moyens de joindre l’organisation si une survivante est en situation de crise?
- Formez les intervenantes afin qu’elles soient en mesure de communiquer par écrit avec les survivantes en situation de crise. Quand vous clavardez, les intonations n’existent pas. Le personnel ne peut pas compter sur le langage non verbal et doit donc s’assurer que tout le monde se comprend.
- Ne supposez pas que vous comprenez le sens des mots que quelqu’un écrit ou ses raisons d’utiliser un style d’écriture particulier. L’utilisation de lettres majuscules ne signifie pas qu’une personne crie ou parle fort, et celles qui tapent lentement en prenant des pauses ne sont pas nécessairement hésitantes. Vérifiez auprès des survivantes le sens, le ton et l’émotion afin de minimiser les erreurs de communication.
- Évitez d’utiliser le jargon d’Internet, les acronymes et les émojis. Tout le monde n’a pas la même compréhension de leur signification et certaines peuvent ne pas les connaître du tout.
- N’utilisez pas de traduction automatique. À l’heure actuelle, cette fonction n’est pas de grande qualité et n’est pas en mesure de traduire les enjeux de violence conjugale avec nuance et sensibilité. Envisagez d’utiliser des plateformes qui permettent des conversations à trois. Ensuite, choisissez de bons services d’interprétation en direct. Veillez à respecter les directives en matière de consentement et de divulgation lorsque vous faites appel à des services d’interprétation.
- Renseignez-vous sur la manière dont la plateforme traitera les messages envoyés en caractères et alphabets autres que ceux souvent appelés «alphabet latin de base» (c’est-à-dire l’anglais et les autres langues européennes). Assurez-vous que tous les alphabets sont pris en charge, y compris ceux de langues telles que l’arabe, le mandarin, l’hindi, etc. Si la plateforme ne prend pas en charge d’autres langues, prévoyez un plan pour répondre aux survivantes, par exemple en affichant sur votre site des avis les invitant à appeler la ligne d’aide téléphonique si l’interprétation y est disponible.
Planifier à l’avance
Il y aura toujours des situations qui affecteront votre chat et qui ne seront pas liées aux communications avec les survivantes. Il peut s’agir de catastrophes naturelles ou de situations d’urgence. Il peut également s’agir de contacts avec des personnes qui ne cherchent pas un soutien antiviolence, comme des auteurs de canulars téléphoniques ou de violence, ou les appelants aux prises avec des troubles mentaux, y compris des idées suicidaires.
- Identifiez les scénarios imprévus et inattendus qui pourraient avoir un impact sur votre service de clavardage et planifiez en conséquence.
- En cas d’appel inapproprié, certaines plateformes permettent de transférer la conversation à une superviseure. Appuyez-vous sur les politiques et procédures existantes.
- Intégrez les services de clavardage dans vos plans d’urgence et de catastrophe, et veillez à ce que les survivantes sachent quand votre service n’est pas disponible et quelles sont les autres options de soutien.
Pour soutenir le développement de politiques sécuritaires, HFC a rédigé le document Use of Technology Policy Template Guide for Women’s Shelters and Transition Houses (PDF, en anglais).
La violence fondée sur le genre facilitée par la technologie (VFGFT) fait partie d’un continuum de violence qui peut se produire à la fois en ligne et en personne. Si vous ou l’une de vos connaissances faites face à la VFGFT, vous n’êtes pas seule. Vous pouvez consulter hebergementfemmes.ca pour trouver une maison d’hébergement près de chez vous afin de discuter de vos options et de créer un plan de sécurité. Vous n’avez pas besoin de résider dans une maison d’hébergement pour accéder à un soutien et à des services gratuits et confidentiels.
Adapté pour le Canada avec la permission du projet Safety Net du NNEDV, d’après leur ressource Organization’s Guide for Using Online Chat and Messaging.